Feel guide
On dit les guides-conférenciers menacés par les applis, les écrans et les audio-guides, mais ceux des Augustins font mieux que résister. 3200 visiteurs y ont opté pour le parcours guidé au cours des trois mois et demi d’ouverture aménagés cet été en pleine campagne de travaux. Succès que le musée doit en partie à ses deux conférencières attitrées, qui sur fond de fausse gémellité et de complicité véritable, jouent jusque sur Instagram la carte de l’érudition décontractée. (Paru dans Boudu)
📸 Orane Benoit
Comme les scies circulaires viennent de se taire, Les Augus- tins en travaux jouissent d’un silence épais. Silence à l’en- trée. Silence dans le cloître. Silence dans les salles aux sta- tues bâchées. Tout juste si l’on distingue la rumeur de la ville depuis les allées du jardin. Pas un chat, sauf dans l’église.
Marthe Pierot et Isabelle Bâlon-Barberis, guides-conférencières du musée, y posent pour la photo. On est devant Après déjeuner, d’Amélie Beaury-Saurel, portrait de femme qui fume exécuté au fusain, hors la braise incandescente de la cigarette et le bouquet de violettes que tient le modèle.
La veille, elles ont donné à Blagnac une conférence sur l’orientalisme. Présen- tation menée comme à leur habitude à deux voix, tambour battant… et debout : « L’organisatrice nous a proposé des chaises. Pour quoi faire ? chahute Isabelle Bâlon-Barberis. Depuis Barack Obama, cela ne se fait plus de s’assoir pour parler en public ! » La blague dit tout de l’état d’esprit des deux femmes, attelées depuis 2019 à la tâche di!cile de faire vivre les œuvres d’un musée fermé pour travaux. Le salut est venu en partie des réseaux sociaux.
Le duo a conçu pour Instagram une cinquantaine de pastilles Trois minutes, une œuvre, et posté sur YouTube une ving taine de conférences gratuites d’une demi-heure consacrées aux grands thèmes et aux chefs-d’œuvre du musée.
Le ton, ni docte ni niais, ne s’apparente ni à celui des conférences en ligne payantes des grands musées, ni à celui des pas- tilles excitées des influenceurs. On est là dans une forme d’érudition décon- tractée, une manière d’exigence avec des airs de pas y toucher. Tout ce qu’il faut pour faire mouche : « J’ai croisé cet été dans le cloître un père et son jeune fils. Il s’est écrié : “ Je vous connais ! Je vous vois sur Insta ! ” Un peu plus et je me prenais pour une influenceuse… rit Marthe Pierot. Je les ai revus quelques minutes plus tard dans une salle. Le père expliquait un tableau en reprenant les éléments présentés dans la vidéo Instagram. On voyait qu’il était content d’enseigner cela à son fils. Ça m’a touchée. »
Si le duo fonctionne à l’image, c’est aussi du fait de la ressemblance frappante des deux femmes. On les jurerait de la même famille. Mieux, on croit voir dans la même pièce la même personne à deux âges de sa vie… Lire la suite