Droit au brut
Il y a trois mois, Simon Johannin est entré en littérature en rentrant dans le lard de ses lecteurs. Son roman, L’été des charognes, chronique hagarde et poétique d’une enfance en milieu désolé, a fait de lui la révélation de la rentrée littéraire de janvier. Langue crue, ton neuf, humour à double tranchant, tout, chez lui, respire l’époque, y compris sa trajectoire personnelle composite, faite d’enfance rurale dans la Montagne Noire près de Mazamet, d’études d’art en Belgique, d’aspirations littéraires et de mannequinat. (Boudu)
📸 Matthieu Sartre
Vous avez 24 ans et des tas de moyens d’expression à la mode à portée de main. Pourquoi avoir choisi d’écrire ?
Parce que le livre a un côté rassurant. Parce que les seules choses qui traversent les siècles, c’est la pierre et le papier. Parce que, comme tout le monde, je suis quotidiennement écrasé, atomisé par des informations momentanées et anxiogènes, et que j’ai besoin de les évacuer. Parce que ce qu’on me propose ne me convient pas et que, plutôt que de gueuler, je préfère proposer autre chose. Parce qu’on passe beaucoup de temps (et moi le premier) à brasser de l’air sur les réseaux sociaux, et qu’il faut pour s’en guérir consacrer du temps à la lecture, à l’écriture, à l’intelligence. Parce que je me sentais capable de le faire, et parce que quand j’ai pris cette décision, j’étais un peu dans le creux, expatrié à Bruxelles dans un milieu d’étudiants en art qui ne répondait pas à mes attentes.
Qu’a donc de si décevant le milieu des étudiants en art ?
Je pensais faire des études dissidentes et, dès les premiers jours on m’a parlé des systèmes commerciaux et des galeries. C’est un milieu hyper compétitif. Tout le monde y parle de son travail avec des textes longs et des mots compliqués alors que ça pourrait être résumé en trois phrases. Et puis, dans ces écoles, on te demande de t’exprimer en permanence, on te sollicite tout le temps. Si bien qu’on se retrouve parfois avec plus rien à dire. C’est terrible, quand on pense à tous ceux qui ont des choses puissantes à dire, mais à qui on ne donne jamais la parole.
D’habitude, les jeunes écrivains viennent de Saint-Germain-des-Prés. Vous, vous venez de la Montagne Noire. Est-ce la source de votre di!érence ?
Peut-être. J’ai grandi dans un coin particulier, sur un plateau. Sans Internet, sans portable. Il y a du brouillard, de la pluie, des conifères, des forêts de plantation, du vent. La Montagne Noire, c’est pas accueillant (rien que le nom, ça glace). C’est elle qui a forgé mon mental et mon imaginaire. Quelle enfance vit-on dans ce genre de décor ? Lire la suite