Blague à part
Auteur prolifique et comédien fou de scène, Fred Menuet est au cœur de la mécanique du trio Les Toulousains, qui fait marrer la ville et le web depuis 12 ans. Voici l’histoire de ce Vendéen qui a force de blagues, est devenu le plus toulousain d’entre nous.
📸 Sébastien Vaissière
Ça ne se voit pas vu d’ici, mais cet homme assis qui se ronge les sangs est l’un des mecs les plus drôles qu’il vous sera donné de croiser à Toulouse. Et endurant, avec ça. Ses proches vous le diront : « Fred n’arrête jamais. » Il est connu pour débiter blagues, vannes et calembours à la chaîne, et jusqu’à épuisement.
Il partage ce penchant avec les deux autres membres du trio Les Toulousains : Pat Borg, son copain du Club Med, et Mélissa Billiard, sa partenaire de scène qu’il a fini par épouser. C’est vers elle, d’ailleurs, qu’il tend son regard anxieux sur la photo. C’était fin février pendant une répétition de Parents, leur dernier spectacle. On était à quelques jours de la première, au Studio 55, dans ce théâtre de 240 places dont ils sont à la fois résidents et directeurs artistiques. À cet instant précis, pendant qu’elle ajustait sur scène une intonation, un geste, une phrase, il murmurait des vannes l’air inquiet, et les notait consciencieusement dans son smartphone.
Les voir répéter est un spectacle en soi, une symbiose comme on en voit dans les documentaires animaliers : chêne et cèpe, mangouste et phacochère, ou anémone et poisson-clown. Leur metteuse en scène Aude Gogny-Goubert, qui en a pourtant vu d’autres (Palmashow, Golden Moustache…) est la première à le souligner : « Ils se règlent instantanément sans même se parler. Il n’y a qu’eux qui sachent faire ça ! ». Il est vrai qu’aucun des deux n’empiète jamais sur l’autre, chacun se faisant un devoir de mettre son alter ego en lumière, dans un tempo parfait.
Fred, le fils de paysan vendéen du Club Med, et Mélissa, la Parisienne normando-libanaise du cours Florent, se sont donc bien trouvés. Rencontre au théâtre des 3T à Toulouse au début des années 2010. Premiers frôlements dans la coulisse et les vapeurs éthyliques. Et puis cette fameuse nuit scellant leur idylle : « La romance toulousaine typique, annonce Fred. On se roule une pelle à l’Ubu, et en sortant au petit matin, je m’aperçois que j’ai perdu ma carte bleue. Impossible de payer le taxi. À la place, j’ai hélé un camion-poubelle, qui s’est arrêté pour nous prendre. On est rentrés comme ça, tous les deux, en camion et en amoureux. »
Il en rajoute pour faire marrer, mais personne n’est dupe. Fred Menuet est un romantique. « Un amoureux de l’amour ! » hâble-t-il. En aparté, Mélissa glisse : « Il est très fleur bleue. Il assume ses émotions, et je trouve ça chouette. Tout mon contraire. On est parfaitement complémentaires. C’est un petit être sensible ! »
On les croit sur parole, mais on se méfie : on sait que Mélissa et Fred adorent Éric et Ramzy, en particulier pour leur tendance à raconter des craques en interview.
Rire et Challans
Une chose est sûre, Fred Menuet est Vendéen. Né en 1979 à Challans, à 60 km de Nantes et 15 km de la côte. « Ça fait de moi un Vendéo-Toulousain, ce qui n’est pas banal. C’est pour ça que je me sens vraiment à ma place devant un plateau d’huîtres à Victor-Hugo. » Enfance heureuse dans la ferme familiale, même si l’agriculture n’est pas à son goût : « Dès que je pouvais, j’allais prendre l’air. À 15 ans, je me levais aux aurores pour aller vendre des huîtres sur la côte. »
À l’école, il est le copain rigolo : « J’étais petit pour mon âge. Mon arme, C’était l’humour. J’ai tout de suite adoré faire rire. » Première prestation en public à cinq ans dans un costume de poussin. Premier texte au CM1 en Frédo-le-Clodo, le Monsieur Loyal du spectacle de fin d’année. Premiers frissons quelques années plus tard à la foire de Challans, en récitant Le corbeau et le renard en patois sur la place de la mairie noire de monde.
Adolescent, il se passe en boucle les VHS des comiques de l’époque. Le soir, il s’endort en écoutant Raymond Devos. Après le bac, il se cherche : « Mon talent, C’était d’être rigolo. À Challans, il n’y avait pas de BTS Rigolo. Alors j’ai fait Commerce. »
Après l’école de commerce, il décroche son premier job au Club Med de Val-d‘Isère. À sa grande surprise, ses parents l’encouragent. Ils organisent même une petite fête pour son départ. Conforté dans son choix, il prend la route, confiant : « En partant, je me voyais déjà animateur comme Lagaf’. En arrivant, ils m’ont mis à la réception, comme tout le monde. »
Depuis ce poste d’observation, il apprend, écoute, scrute, observe, et fait de son mieux pour faire plaisir. Les choses sérieuses commencent au Maroc l’année suivante, au Club Med d‘Al Hoceïma. Cette fois, il est animateur : « Lever 7H, coucher 4H. Écriture, animation et vannes non-stop. Pas de filtre, pas de temps mort. Le rêve. » Lire la suite