Déclaration d’impro

Dans un essai paru en décembre, Ibrahim Maalouf convoque sa grand-mère Odette, Jean-Sébastien Bach et Wynton Marsalis pour échafauder un projet de société fondé sur l’improvisation. Remède à tous les maux, prélude à toutes les joies, elle est l’alpha et l’omega de son rapport au monde. Sans doute le guidera-t-elle encore fin mai pour les représentations de son spectacle-bilan Quelques mélodies…, à Béziers et à Jazz en Comminges. (Paru dans RamDam)

Votre livre Petite philosophie de l’improvisation s’achève sur ces mots : « Improviser, c’est apprendre à vivre ». Vous reste-t-il des choses à apprendre ? Évidemment. On apprend à exister toute sa vie. C’est pour cela que l’improvisation est utile à tous les âges. Elle apprend à vivre en communauté et à gérer les rapports humains. Elle développe l’empathie et la compréhension émotionnelle du monde. Elle apprend aussi à vivre seul. C’est précieux parce que la vie est faite aussi de moments de solitude qui peuvent être angoissants pour qui n’est pas habitué à se retrouver face à lui-même.

Apprendre à improviser permet de dompter cette angoisse et de mettre la solitude à profit pour se ressourcer, se questionner sur sa place, son positionnement vis à vis du monde et de l’Autre. Les autres ne sont donc pas l’enfer qu’on dit ? Pour que nos vies aient un sens, elles doivent être envisagées en équipe, en famille, en fraternité, en sororité. Il n’y a pas de vie sociale sans compréhension du collectif. J’aime cette phrase qui dit que seul on va plus vite, mais qu’à plusieurs on va plus loin. J’y crois beaucoup. Il n’est pas envisageable de s’épanouir sans passer par l’épanouissement collectif. Personne ne peut être heureux seul.

Une preuve ?

Je pose cette question à tous les enfants avec qui je travaille : « Si tu es heureux, et en bonne santé. Si tu as tout l’argent du monde, que tu peux faire tout ce que tu veux, mais que tu vis dans un pays où tous les gens autour de toi sont tristes, malheureux et pauvres, serais-tu capable de t’épanouir et d'être vraiment heureux ? » Tous, bien évidemment répondent que non. C’est plus qu’une évidence. Dans la foulée de votre Petite philosophie de l’improvisation, vous avez créé le Free Spirit Ensemble, un orchestre classique pensé pour l’improvisation. Vous dites par ailleurs souhaiter faire de l’improvisation un « véritable projet de société».

Pourquoi vous semble-t-elle à ce point adaptée à notre temps ?

Je ne connais rien qui soit plus qu’elle capable de construire et de fédérer tout en apportant de véritables réponses aux questions existentielles que tout un chacun se pose à chaque étape de sa vie.

Il faut donc oublier les codes, les règles ?

Apprendre les codes est une phase éminemment importante. C’est le cas dans la compréhension d’un langage, par exemple. C’est la raison pour laquelle le bébé, puis l’enfant, pendant son apprentissage, doit absolument entendre, voir… Lire la suite

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