Une promesse française
Enseignante à Toulouse, Fatiha Agag-Boudjahlat tient sur la laïcité, le féminisme, la tolérance et la République, un discours inédit qui pulvérise les clivages gauche/ droite, croyants/laïcs, réacs/progressistes et même bons/méchants. Son essai, Le grand détournement, l’a propulsée dans le tourbillon des grands débats médiatiques et lui a valu l’adoubement d’Élisabeth Badinter, qui en a loué la rigueur intellectuelle et le courage. (propos recueillis avec J. Couderc)
📸 Photo Matthieu Sartre
Vous êtes féministe mais pas gauchiste ; souverainiste mais pas de droite ; de culture musulmane mais opposée au voile. Ce ne sont pas des positions idéales pour se faire des amis…
Je fais l’unanimité contre moi auprès des indigénistes obsédés par la race, et des identitaires qui ne jurent que par la souche. En clair, face à moi, je n’ai que de la biologie et de l’horticulture. Et moi, je veux du politique, cette idée selon laquelle ceux qui sont français depuis hier sont aussi français que ceux qui le sont depuis des générations. C’est la promesse française, réjouissante et exigeante.
D’où votre engagement au Mouvement Républicain et Citoyen de Jean-Pierre Chevènement ?
Étudiante, je suis devenue une grande fan de Chevènement. Une méchante souverainiste, quoi ! Je pense que l’autorité appartient à la nation, et que ce qui compte, ce n’est pas la souche, mais l’enracinement, le fait de se sentir chez soi. J’encourage d’ailleurs mes élèves à utiliser le slogan du FN : « On est chez nous ! ». Si je les vois dessiner un drapeau de l’Algérie ou du Maroc sur leur agenda, je les oblige à faire un drapeau français à côté. Parce que s’ils grandissent hors sol, ils seront malheureux. Seuls les enfants d’immigrés peuvent comprendre ça, pas les bobos.
La politique en général et la gauche en particulier, sont-elles encore capables de tenir cette promesse française ?
La vraie gauche, oui. Souverainiste, qui émancipe et qui sait parler aux classes populaires. Pas la gauche actuelle un peu à l’américaine, libérale et dans le culte de la diversité, qui a renoncé à l’émancipation, qui véhicule un nouveau féminisme qui trahit les femmes, qui ne fréquente ni les ouvriers ni les classes populaires, et qui a besoin de fixeurs pour aller de l’autre côté du périph’. Cette gauche-là enferme les gens dans une identité subie et communautaire. Alors que moi, je dois tout à l’école et aux rencontres.
En quoi le nouveau féminisme que vous évoquez trahit-il les femmes ?
Parce qu’il crée un deux poids deux mesures. Il combat le patriarcat de l’homme blanc mais trouve des circonstances atténuantes à celui de l’homme oriental sous prétexte de fait culturel, et considère que le critiquer serait discriminatoire. Il veut dépénaliser l’excision pour ne pas juger la culture des autres. Il fait du voile un objet de liberté arguant du fait que la plupart des femmes voilées le sont de leur plein gré, alors qu’elles se soumettent, ce faisant, aux injonctions intégrées de tous les patriarcats : virginité, pudeur, modestie. Or, une femme orientale ne souffre pas moins qu’une blanche. Et il n’y a aucune raison de considérer que ce qui est bon pour les blanches ne l’est pas pour les autres. Ça n’est rien d’autre que du racisme et une résurgence de la figure du bon sauvage.
Vous qualifiez ces tenants de ce féminisme à géométrie variable de bourgeois pénitents. Qui sont-ils ? Lire la suite