Remontador

Dans les années 90, David Berty courait plus vite que son ombre. Ailier emblématique de la dernière génération de rugbymen amateurs, il a remporté six Brennus et une coupe d’Europe avec le Stade Toulousain. Une vie de champion stoppée net par une sclérose en plaques déclarée en 1997, qui l’a jeté au fond du trou, mené vers un nouveau titre de champion… et hissé au sommet du Kilimandjaro.

« J’ai mis du temps à accepter la maladie. Quand je me suis décidé à me battre, j’ai regretté de ne pas avoir trouvé sur mon chemin quelqu’un qui me dise ce que j’avais besoin d’entendre : que même avec une sclérose en plaques je pourrais travailler, fonder une famille, faire du sport… Je me demande pourquoi les artistes, les sportifs et les personnalités qui souffrent d’une maladie ne se servent pas davantage de leur notoriété pour aider ceux qui partagent leur sort.

Je dis que je me le demande, mais ce n’est pas vrai. Je sais très bien pourquoi. Je suis passé par là. C’est une question d’ego. Quand j’ai appris que j’étais malade, je me suis coupé du monde. Mon ego de sportif ne supportait pas l’idée de ce que j’allais devenir. Je me voyais sur un fauteuil, dépendant de tout le monde, et je ne voulais pas que les autres m’imaginent comme ça.

Mon premier symptôme apparaît en 1997. On vient de gagner le Brennus contre Bourgoin. La saison d’après, je suis au fond du trou. Je n’avance plus. Avant, je courais plus vite que tout le monde. Maintenant, tout le monde me rattrape. Je fais trois tours de terrain et c’est comme si j’en faisais 30. Mes jambes ne répondent plus.

Autour de moi, personne ne comprend. C’est ma faute, parce que je ne dis pas tout. Mes problèmes d’équilibre, mes sensations bizarres, je n’en parle pas. Je ne veux pas qu’on me mette à l’écart. Je veux être sur le terrain. Je veux jouer. Il n’y a que ça qui m’intéresse. Comme je multiplie les mauvaises performances, je m’entraîne encore plus, je me fatigue encore plus, et je me blesse encore plus. Je quitte le Stade pour Brive. Là-bas, je ne suis pas bon non plus. Le club ne me garde pas. Je signe à Montauban. Premier entraînement, premier crochet : rupture du ligament postérieur du genou.

Sur le moment, je mets toute la responsabilité sur mes épaules. J’assiste à l’arrivée de la première génération de rugbymen pros, et je vois bien que je ne suis pas comme eux. Je mange bien, je suis épicurien, et assidu à la troisième mi-temps. Alors mes blessures, mes jambes qui ne me portent plus… c’est forcément le signe que je ne travaille pas assez dur. À Montauban je gamberge, je ne joue pas, et je décide d’arrêter. Je prolonge un peu à Blagnac parce que les copains insistent, mais je finis par arrêter. Je n’en peux plus. J’ai 32 ans. Je suis vieux. Le rugby, c’est fini… Lire la suite

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