Merki la vie

Ginette Mone est une figure de la nuit parisienne des années 1980. Dame pipi de l’Élysée-Matignon et des Bains-Douches, elle a vu défiler le tout-Paris devant sa coupelle à monnaie. Aujourd’hui nonagénaire, elle vit à Miélan, dans le Gers, où elle s’est attelée à l’écriture de Solitude, je t’aime… mais tu m’emmerdes, un livre de souvenirs étrange, tragique et drôle, qui nous a donné envie de lui rendre une petite visite. (Paru dans Boudu)

📸 Rémi Benoit

Pour un peu, le foyer Lagrange aurait des airs d’hôtel de plage avec ses coursives, ses courettes, ses portiques percés de formes géométriques bizarres et ses paliers extérieurs bordés de portes à numéro. Mais ses balcons donnent sur Miélan, pas sur la mer, et ses pensionnaires sont des seniors, pas des baigneurs.

Ginette Mone vit ici, au 22, derrière des volets qu’elle tient clos à cause du soleil. Au foyer, il y en a qui l’appellent « la parisienne » parce qu’elle a passé les 80 premières années de sa vie entre Drancy et les Halles. Une fois, au village, un type lui a dit : « Ici, on aime pas les Parisiens. » Elle a répondu qu’elle n’aimait pas les cons, ce qui a suffi à lui forger une réputation.

À Miélan, ça jase pas mal depuis qu’elle a fait paraître un livre de souvenirs à compte d’auteur. On dit qu’elle a été chanteuse, qu’elle a enregistré un disque et partagé la scène avec Christophe, le chanteur à moustache. Celui d’Aline et des Mots Bleus. Qu’elle a fréquenté des vedettes, tenu des restaurants où elle assurait à la fois la cuisine et le service. Qu’elle a eu deux maris et un enfant qu’elle aimait plus que tout et qui est mort en chutant de l’étage de son duplex sur le meuble de la télévision. On dit enfin qu’elle a été la dame pipi du show-biz et des nuits parisiennes dans les années 80/90, aux Bains-Douches. Douches et à l’Élysée-Matignon.

« Tout ça, c’est vrai. Je le raconte dans le livre. Je ne dis pas tout dedans, mais il n’y a pas de mensonge » lâche-t-elle avec un accent parisien de cinéma. Elle est assise à sa table, le dos droit, les pieds dans des pantoufles à lacets siglées « aérobic ».

Elle a posé devant elle un tas de feuilles manuscrites. C’est son dernier livre. Une histoire d’amour : « Il a 30 ans, elle 24. Elle, elle a peur des hommes. Lui, il sent bien qu’elle est faite pour lui, alors il l’emmène danser et il l’embrasse. C’est comme ça que ça commence. »

Ginette écrit tous les jours. Des pattes de mouche, à cause de sa vue qui baisse et de ses doigts qui se déforment. Elle dit que c’est écrit tellement mal, tellement petit qu’elle ne peut pas se relire, et que c’est sans doute mieux comme ça. Lire la suite

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