Le musée de demain doit-il être amusant ?

Visite augmentée, escape game, avatar virtuel… Très vite séduits par les outils du numérique et de l’intelligence artificielle pour élargir leurs publics, les musées apparaissent comme les plus novatrices des institutions culturelles, au point que des parcs ludiques revendiquent à leur tour cette appellation (« musée du selfie », « musée du bonbon »…). Modernisation accomplie ou identité perdue ?

© 2019 – Salvador Dalí Museum, Inc., St. Petersburg, FL

Fondée sur le penchant naturel de l’esprit humain pour le jeu, la gamification est parfaitement adaptée à nos cerveaux résolus à la servitude numérique. Elle est même particulièrement efficace chez les milléniaux, cette génération née avec Internet, qui fournira les actifs, les consommateurs et les visiteurs de musées de demain. Une génération qui a assimilé l’attention permanente exigée par les écrans, les alertes, les messages et les notifications, et dont la capacité d’attention maximale atteindrait péniblement, si l’on en croit une étude menée par les ingénieurs de Google, 9 petites secondes.

L’actuel directeur éditorial d’Arte France, Bruno Patino, s’en émeut dans son essai paru en 2019, qui analyse les ressorts de cette sollicitation permanente de notre attention et ses conséquences sur notre disponibilité intellectuelle : « Notre rapport aux médias, à l’espace public, au savoir, à la vérité, à l’information, rien n’échappe à l’économie de l’attention, qui préfère les réflexes à la réflexion et les passions à la raison. »

Relevant à la fois de la psychologie, du game design et du commerce, la gamification a été pensée par les papes américains du marketing. Amy Jo Kim, l’une de ses théoriciennes les plus emblématiques, est neuroscientifique et spécialiste de la psychologie expérimentale. Aujourd’hui coach de start-ups et game designer, elle a œuvré dans l’équipe de la plate-forme de streaming Netflix et dans celle qui a imaginé le célèbre jeu de simulation de vie, Les Sims.

Si elle préfère au substantif gamification, qu’elle juge limité et voué à disparaître, la notion de game thinking, elle annonce, comme la plupart des futurologues, un avenir dans lequel le jeu sera l’alpha et l’oméga de toute activité humaine : « Les jeux seront partout, tout le temps. Il faudra tout penser comme un game designer, et adapter l’offre au style social et aux besoins sociaux de la population », promet-elle. Lire la suite

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