La mémoire dans la peau

Bruno Vellas est unanimement reconnu comme LE spécialiste mondial de la maladie d’Alzheimer. Le mois dernier, il révélait les résultats encourageants d’une vaste étude menée, en France et aux États-Unis, sur cette affection des fonctions cérébrales. Il était donc naturel de proposer à cet homme humble et discret, sommité de la médecine gériatrique attachée à Toulouse comme une moule à son rocher, une conversation dans les règles de l’art. De l’émergence de sa spécialité, il y a 30 ans, aux enjeux du vieillissement dans la société de demain, le directeur du Gérontopôle de Toulouse s’est confié sans détours. Et nous a conduits, d’une certaine manière, à considérer avec optimisme la perspective du temps qui passe. Propos recueillis pour Boudu avec J. Couderc

📸 Matthieu Sartre

Pourquoi êtes-vous à ce point attaché à Toulouse ?

Je suis né à Toulouse, mes parents étaient Toulousains, mes grands-parents aussi. Ils habitaient rue d’Alsace-Lorraine, dans le même immeuble que nous, puis on est parti à Auzeville. J’allais à l’école et au lycée Fermat. J’ai fait toutes mes études à Toulouse. Je suis parti ensuite aux États-Unis, au Nouveau-Mexique, où j’ai travaillé pendant un an sur la nutrition et le vieillissement.

N’avez-vous jamais songé à vous installer aux États-Unis ?

On m’a fait des propositions intéressantes, encore récemment. Mais je les ai refusées car je suis trop attaché à mes racines toulousaines. Je ne conçois pas le travail sans l’entourage familial. Toulouse, c’est là que je me sens bien. Et je n’ai jamais eu envie de vivre ailleurs. Je peux avoir un pied aux États-Unis mais le corps doit rester ici. Bruno Vellas gérontologie gérontopole Alzheimer Toulouse

Est-ce à votre père que vous devez votre goût pour la médecine ?

Mon père était professeur de droit international et consultant pour l’Organisation Mondiale de la Santé. À ce titre, il s’est intéressé aux grandes questions de société et notamment au vieillissement de la population. Cela l’a amené à créer, à Toulouse, les Universités du troisième âge. Mais il n’était pas du tout médecin. Ce qui le passionnait, c’était la question de la démographie. Il a été l’un des premiers à voir arriver le problème du vieillissement de la population. Mais il le considérait d’un point de vue sociétal. Parce que, vous savez, l’allongement de la durée de la vie ne doit pas grand chose aux progrès de la médecine. C’est l’amélioration des conditions de vie : le chauffage, l’hygiène… 80 % de l’augmentation de la longévité est due aux progrès environnementaux.

Pourquoi, dès lors, avoir choisi d’embrasser une carrière de médecin ? J’étais dans une famille de juristes dans laquelle on ne comptait aucun médecin. Mais comme je travaillais relativement bien, le concours de médecine m’était accessible. Je l’ai donc passé et obtenu, au deuxième coup, comme tout le reste dans ma vie. J’ai tout eu en persévérant. Mon père nous disait toujours : « Entre une situation difficile et une situation facile, quand on ne sait pas choisir, la bonne solution est souvent de choisir la difficile. » Une autre phrase : « Ce qui se construit facilement se détruit aisément ; Ce qui se construit difficilement est beaucoup plus pérenne ».

Ces maximes font-elles partie du petit livre écrit par votre père pour ses descendants ?

En effet. Quand il a eu 75 ans, il a décidé d’écrire un petit fascicule à ses petits-enfants pour transmettre un certain nombre de messages. C’est un petit livre de citations qui sont utiles dans la vie. Mon père souhaitait que sa lecture nous permette d’éviter un petit peu du prix qu’on doit tous payer à la vie. Aviez-vous la pression de la réussite ? Le but de mes parents n’était pas qu’on réussisse mais que nous assimilions certaines valeurs. On me disait : « Quand on se comporte bien, on finit toujours par avoir la récompense ». Le message était donc d’essayer, dans toute action, de se comporter le mieux possible, de se méfier de l’argent et d’être dans le détachement vis-à-vis des honneurs. Quel genre d’élève étiez-vous ? J’étais studieux sans être brillant. J’avais une grosse capacité de travail. Je travaillais davantage mais je réussissais moins que les autres. Puis les choses ont changé : j’ai mieux réussi dans la vie professionnelle que dans la scolarité… Lire la suite

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