Jeux d’humains, jeux de Toulousains

Après la petite movida variétoche du mois dernier, cette rétrospective s’attarde sur une parenthèse sportive inouïe. Une décennie de grands matchs et de grands sentiments éclairée par un Stade Toulousain au sommet de son art et un TFC triomphateur de Maradona. L’histoire de joueurs et de dirigeants qui, misant sur le plaisir et la liberté, entretinrent jusqu’à l’aube des années 1990 le rêve d’un professionnalisme à visage humain. (Paru dans Boudu)

Carte postale de 1979. On reconnaît la crinière blonde de Jean-Pierre Rives sur cette image légendée “scène de la vie toulousaine” comme l’étaient avant guerre les photos des marchandes de violettes.

On vous entend d’ici. Vous vous dites : « Ça y est, encore de vieilles rengaines sur le rugby d’hier. Ça va commencer avec du Synthol, continuer par des baffes, et s’achever dans la bière et les c’était-mieux-avant. » Perdu.

Cette fois, ça commence par un grand texte. Presque un poème. Celui que s’apprête à déclamer André Brouat, ancien joueur et président du Stade, ce 17 mai 1980 au stade des Ponts-Jumeaux. Demain, les bulldozers démoliront cette enceinte historique du rugby toulousain, engloutissant 73 ans d’histoire en même temps qu’un pré vert et des tribunes en bois.

Tout ça pour laisser passer les bagnoles. Dur à avaler. Quelques années plus tard, ce même André Brouat, communiste non encarté, deviendra adjoint au maire de Toulouse. Il créera 4 zones vertes : La Ramée, Pech-David, Argoulets et Sesquières. Une façon, sans doute, d’exorciser l’infâme bétonnage de son stade bien-aimé.

Mais pour l’heure, cul-de-guêpe (ainsi qu’on le surnommait quand il jouait trois-quarts centre dans l’équipe championne de France 1947), amorce son discours d’adieu : « Le soir des soirs va, dans l’ombre quotidienne, noyer à jamais les Ponts-Jumeaux. Laissez avec force, avec soin, vos yeux faire le tour, à la recherche de vos fantômes. »

Dans l’assistance, les prunelles s’embuent dès la première phrase. Et quand, cinq minutes plus tard, arrive la chute, même les plus gaillards sont en larmes : « Notre terrain et notre stade cristallisent une âme collective, lucide et courageuse, en même temps ferme et fragile, grande et belle, à la mesure de la condition humaine… » Lire la suite

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