Humble héros

On commémorait fin novembre le centenaire de la mort de Gabriel Fauré, compositeur tout ce qu’il y a de plus ariégeois devenu un maître de la musique française. On le connaît pour sa tubesque Pavane, son Cantique de Jean Racine et son inévitable Requiem. Dans l’imaginaire collectif, sa trace reste pourtant plus discrète que celle de ses contemporains Ravel et Debussy. On dit que la simplicité trompeuse de ses pièces et son refus d’en faire des caisses n’y sont pas étrangers. Vertus qui, précisément, ravivent aujourd’hui son aura. (Paru dans Boudu)

Le monde se divise en deux catégories. Ceux qui aiment la Pavane de Fauré et connaissent l’identité de son compositeur, et ceux qui l’aiment sans savoir d’où elle vient.

Ces derniers sont légion. Ils rassemblent pêle-mêle les compulsifs qui la sifflotent toute la journée après en avoir entendu trois mesures dans une pub, les nostalgiques du rap français vintage qui se régalent de ses samples dans Loin des yeux, loin du cœur d’Alibi Montana et Diam’s (2007), les audiophiles qui n’ont descendu de leur platine ni la reprise de Jethro Tull (1969) ni celle du jazzman Bill Evans (1966), les instagrameurs qui ont partagé des centaines de milliers de fois la cover au violoncelle du youtubeur texan Cremaine Booker… et même les fans de Patrick Fiori dont le Tout commence aujourd’hui sorti l’an passé en est une resucée.

Cette liste, étirable à l’envi, dit bien la postérité contrastée de Fauré : aimé mais mal connu, connu mais sous-coté. On pioche généralement dans son œuvre vaste et variée comprenant pièces pour piano, musique de chambre, mélodies, et de rares œuvres orchestrales, ses nocturnes et barcarolles pour piano, son Requiem, sa Pavane et des mélodies comme Après un rêve ou Clair de lune.

Il a pourtant plus que cela à offrir. Si la postérité de Fauré nous importe, c’est qu’il est d’ici. À sa naissance à Pamiers en 1845, rien ne laisse deviner le destin qui l’attend. Benjamin d’une fratrie de six enfants, il procède d’une lignée de bouchers et de forgerons. Pendant que son père vaque à ses occupations de sous-inspecteur de l’instruction primaire à l’école normale de Montgauzy, à Foix, il passe des heures sur l’harmonium de la chapelle attenante, et fait montre illico d’un talent inouï.

La chose en serait probablement restée là sans une succes- sion de hasards et de bonnes fortunes que nous conte un autre Appaméen, Jean Dardigna, ancien professeur de lettres classiques à Fermat, mélomane et créateur en 1992 du festival Musique au pays de Gabriel Fauré : « Un certain M. de Sauviac, commis du palais législatif (l’équivalent d’un attaché parlementaire d’aujourd’hui) est de passage à Foix pour les vacances. Il pousse par hasard la porte de la chapelle et entend Fauré, alors âgé de neuf ans, jouer sur l’harmonium. Impressionné, il se rend chez le père du prodige et le convainc de l’envoyer étudier à l’école Nieder- meyer de Paris où l’on forme les orga- nistes d’église. Sur place, Fauré est à nouveau servi par le hasard : il fait la connaissance d’un professeur remar- quable qui se prend d’amitié pour lui et l’introduit bientôt dans les salons pari- siens : Camille Saint-Saëns. »

Voisins d’emphase

Côté pile, à Niedermeyer, Fauré étudie le chant grégorien, les polyphonistes, Mozart et Beethoven. Côté face, auprès de Saint-Saëns, il découvre ébahi les modernes, Schumann, Liszt et Wagner. Après 11 années d’études, il embrasse la profession d’organiste. Elle le mène à Rennes avant de le ramener vers Paris à Saint-Honoré-d’Eylau, Saint-Sulpice puis à la Madeleine. Lire la suite

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