Balles neuves
Élu l’an dernier contre toute attente président national des Jeunes Républicains, Guilhem Carayon est à 22 ans l’un des six porte-paroles de Valérie Pécresse pour la présidentielle. À la droite de la candidate, il parle régalien, tripes, panache, et trace à Paris comme dans son Tarn natal, un sillon droitier neuf qui colle à l’air du temps.
📸 Rémi Benoit
Le Cristal à Lavaur, un matin de la fin mars. Sol carrelé, murs de brique, comptoir en bois brun. Des clients qui bâillent sur des cafés qui fument. Un qui lit la Dépêche. D’autres qui écoutent gémir la buse vapeur du percolateur. Ça siffle comme la locomotive dans la scène d’ouverture d’Il était une fois dans l’Ouest. Pourtant dans l’embrasure de la porte, ce n’est pas Charles Bronson qui s’avance mais Guilhem Carayon. 22 ans, un physique à attraper des balles en touche, et un grand sourire horizontal que l’Obs, qui s’y connaît pas mal en dentifrice, a qualifié de « Colgate » dans un papier récent.
Comme il est ici chez lui et qu’il est doublement en campagne (porte-parole de Valérie Pécresse et candidat aux législatives), il serre quelques louches en traversant la salle. Il salut, se penche, s’enquiert. La main droite qu’il tend cache une blessure invisible. Un trou dans le cartilage. Accident de tennis qui limite ad vitam la mobilité de son pouce. Moins handicapant pour tenir un meeting qu’une raquette. C’est heureux parce qu’adolescent, il se rêvait tennisman pro. Classé 15/1 à 13 ans. Une décennie à courir les tournois le dimanche. La victoire, souvent. Du spectacle, rarement. C’est du moins ce que dit son père Bernard, maire LR de Lavaur et ancien député : « Fallait voir ça… Il usait ses adversaires depuis le fond du court avant de les clouer avec un coup puissant. Quand on est spectateur, on pense : “Merde, on s’ennuie”, mais tactiquement, c’était efficace. »
À l’écouter parler d’usure et d’adversaire cloué, on se demande s’il analyse le style tennistique de son fils, ou s’il fait référence à son élection à la présidence des Jeunes Républicains au mois d’avril 21. C’est à ce moment-là qu’on a commencé à entendre parler de Guilhem Carayon à Toulouse. La direction nationale du parti avait pris fait et cause pour son adversaire, le Toulousain Sébastien Canovas. On disait ce dernier plus rassembleur, plus consensuel. Moins de droite, en somme.
Localement, les soutiens de Sébastien Canovas étaient nombreux, depuis le vice-président de Toulouse Métropole Bertrand Serp jusqu’au député lotois et secrétaire général des Républicains Aurélien Pradié. Au terme d’une campagne marathon, le challenger vauréen a balayé le favori toulousain, contrariant en souriant les schémas des sachems LR. Après son élection, la branche cadette du parti est passée en 14 mois de 1500 à 16000 adhérents. De quoi valider la méthode du Tarnais, mélange de travail de sape à la Lendl et de joie de vivre à la Noah.
Conséquence, Valérie Pécresse a fait de lui l’un de ses six porte-paroles pour la présidentielle. Son père, pour sa part, a choisi de ne pas se présenter à la députation en juin, convaincu que son fils serait meilleur que lui : « Il est bien plus capable de s’entendre avec ses adversaires sans renier ses idées. Il y a du Chirac en lui. Une capacité déconcertante à gagner la sympathie des gens. Il a épousé mes théories sur le post-libéralisme et compris la vacuité de la mondialisation heureuse, mais il est moins conservateur sur les questions sociales. »
Dans le Tarn, naturellement, ça jase. Le référent départemental de LaRem Raphaël Bernardin a envoyé quelques scuds en janvier dans Le journal d’Ici, parlant de « candidature monarchique » et de « vieille politique ». Au Cristal, tout à l’heure, une fois Guilhem Carayon parti, il y aura quelques conversations sur le sujet. On entendra dire que décidément, il est meilleur que son père.
Pour l’heure il prend place sur une banquette. Pose sur la table le dernier Joël Dicker. Dit qu’il vient de l’acheter. Qu’il s’en veut de l’avoir commandé sur Amazon, mais que bon, il voulait l’avoir vite. Pas qu’il soit pressé, mais on sent bien qu’il faut que ça bouge. Les deux ans de Covid, la campagne qui hoquète, les horizons bouchés, ça lui flanque visiblement des fourmis dans les jambes. Il dit qu’il a envie d’avancer, de trouver des raisons d’espérer, et qu’il en veut aux boomers… Lire la suite