Améjazzment du territoire

Jean-Louis Guilhaumon et Marciac sont à ce point liés qu’on ne sait plus vraiment lequel des deux a changé le destin de l’autre. Le premier, Toulousain débarqué dans le Gers au début des années 1970 pour y occuper son premier poste de prof de collège, est aujourd’hui président-fondateur de Jazz in Marciac, maire de son village, et vice- président du conseil régional d’Occitanie. Le second, promis jadis à la désertification et à l’assoupissement, est aujourd’hui un exemple de dynamisme et de développement rural. 40 ans après la première édition de JIM, l’un des festivals les plus courus au monde, Boudu a improvisé une conversation avec cet homme étonnant qui a fait du jazz un outil d’aménagement du territoire et un vecteur d’éducation. (paru dans Boudu)

📸 Matthieu Sartre

Jean-Louis Guilhaumon, quand vous songez à ces quatre décennies, quelle image vous vient spontanément à l’esprit ?

Ce sont plutôt des mots qui me viennent. D’abord les premiers mots d’un article signé par le rédacteur en chef de l’international Herald Tribune lors de sa première visite à Marciac, et qui dit bien ce que nous sommes : « A nice medieval town, in the middle of nowhere. » Ensuite, le mot espoir, parce que la plus grande réussite de Jazz in Marciac, c’est d’avoir suscité l’espoir. D’avoir permis à la population de ce territoire rural de croire en ses capacités d’accomplir des choses dont elle puisse être fière.

Les Marciacais étaient-ils à ce point désespérés ? 

Pas plus que les autres citoyens des territoires ruraux du pays, à qui on ne cesse de dire que rien n’est possible. Mais pas moins non plus. Il n’y a pourtant aucune fatalité, aucun déterminisme dans le monde rural. Jazz in Marciac en est la preuve, comme l’ensemble des projets menés dans le village, d’ailleurs. Des projets portés avec un engagement et une sincérité rares, et qui font de Marciac un village différent. 850 bénévoles sont impliqués dans la mise en œuvre de JIM. Cet exemple ne connaît pas d’équivalent.

Qu’ont donc les Marciacais de si différent ? 

Sans doute nos interlocuteurs ont-ils senti que, bien que nous soyons des ruraux profonds, nous portions nos convictions avec force et qu’il serait difficile de se débarrasser de nous. On a essayé de nous amener à des évolutions qui ne nous ressemblaient pas, à des accompagnements en terme de partenariat trop… pesants. Nous aurions pu évoluer comme d’autres manifestations aujourd’hui chapeautées par de grandes entités. Nous avons choisi de rester un festival à caractère associatif et de conserver notre liberté de ton. Et la liberté de ton impose le respect.

Quand vous parlez de Jazz in Marciac, vous semblez avoir du mal à dire « je » … 

Ce n’est pas de la fausse modestie. C’est simplement que je suis un associatif. Je ne suis pas naïf, je sais que la communication et l’incarnation sont importantes, mais je reste plus à l’aise dans l’action, le groupe et le projet. À JIM, à la mairie ou au conseil régional, c’est la même chose. Et puis, ce qui compte, très franchement, ce n’est pas ce qu’on dit de soi, mais la trace qu’on laisse. Sans parler de tout ce qui nous échappe et joue un rôle prépondérant dans l’existence… à commencer par le hasard.

Le hasard ?

C’est le hasard qui m’a amené à Marciac ! Quand nous sommes sortis, mon épouse et moi, de l’École normale de Toulouse, nous avons été nommés dans deux établissements très éloignés : elle à Saramon, dans le Gers, et moi à Graulhet, dans le Tarn. Nous avons fait une nouvelle demande au rectorat, pour tenter de nous rapprocher l’un de l’autre. On nous a proposé deux postes dans le Gers : Aignan et Marciac. Nous n’avions jamais entendu parler du Gers, ni d’Aignan, ni de Marciac, mais nous avons accepté. Marciac nous a plu, nous y avons loué une petite maison, et c’est ainsi que tout à commencé… Lire la suite

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