Saison-fleuve
Pour sa première saison complète à la tête du Théâtre Garonne, Aurélien Bory fouille les questions qui l’occupent depuis trente ans : l’espace, la scénographie, le mouvement, la fiction, le cirque, la beauté et la mort. Une programmation internationale, pensée à l’image du fleuve qui roule sous la fenêtre de son bureau : ancré à Toulouse mais en route pour ailleurs. Paru dans RamDam
📸 Hélène Ressayres
La première phrase de votre texte de présentation de saison place la quête de beauté au cœur de votre démarche. Comment la chercher ?
En écrivant beauté, je pensais d’abord poésie. C’est parce que la vie sans poésie serait invivable qu’on a recours à l’art, à la représentation, et donc au théâtre.
Où la guetter, au théâtre ?
Partout. Elle s’y incarne de mille manières. Le plateau, avec son langage qui compose un rapport différent au temps, à la durée, à l’espace, à l’esthétique, est un chemin direct vers la poésie. Ce langage infuse donc la saison ? C’est particulièrement flagrant avec le temps fort SCENO consacré à la scénographie. Comme je suis moi-même scénographe, j’ai toujours cette question en tête. Il est d’autant plus essentiel de la mettre en avant qu’on ne trouve nulle part ailleurs d’événement dédié à cette manière de création. Elle appartient pourtant pleinement au théâtre.
La scénographie distingue-t-elle le théâtre des autres arts ?
Le théâtre est un art du dispositif. Le seul qui soit aux prises à ce point avec l’espace. Avant de présenter une pièce, il faut trouver un lieu, le penser et l’orienter. C’est le premier geste du théâtre. Sa promesse, aussi. Qui pour porter ce temps fort ? J’ai choisi des scénographes par ailleurs metteurs en scène, chorégraphes (Phil Soltanoff, Steven Wendt, Philippe Quesne, Miet Warlop) ou plasticiens, comme Ulla von Brandenburg.
L’intitulé de la saison, Ouvrir le paysage, sonne comme un contrepoint à La Disparition du Paysage, le texte de Jean-Philippe Toussaint que vous avez mis en scène en 2021 au ThéâtredelaCité pour Denis Podalydès…
S’il existe un fil entre La Disparition du paysage et Ouvrir le paysage, ce n’est pas une réparation : c’est une curiosité, une disponibilité. Ce titre est né de l’affiche que nous avons choisie, une œuvre d’Ulla von Brandenburg, qui explore les questions d’ouverture et de profondeur.
Questions qui sont les vôtres depuis longtemps…
J’explore le thème du paysage depuis la série des portraits de femmes. Je cherchais alors à dessiner non pas des portraits intérieurs mais des paysages intérieurs, avec l’idée de se frayer un chemin dans le paysage, de considérer les choses dans la complexité de leur environnement. Se confronter à cette question, c’est revenir aux raisons qui nous poussent à aller au théâtre.
Pourquoi se rend-on au théâtre ?
Consciemment ou pas, on s’y rend avec l’espoir d’en ressortir changé. Quand on reconnaît, dans ce qui se joue devant nous, quelque chose de l’ordre de l’art, notre paysage intérieur s’ouvre et notre conception de l’existence s’élargit. On s’en trouve transformé, déplacé. C’est ce qui s’est passé pour vous, en assistant à votre première pièce au Garonne il y a plus de trente ans ? Oui. C’était Le ciel est loin, la Terre aussi, de Mladen Materić. C’est le tout premier lieu où je suis allé à Toulouse ! Lire la suite dans RamDam