Géants
En 2013, trois naturalistes pyrénéens amateurs accomplissaient en Indonésie un exploit attendu par tous les entomologistes : photographier pour la première fois Croesus dans son milieu naturel. Croesus, c’est le plus célèbres des papillons géants. Un lépidoptère dont l’observation in vivo en 1859 permit à Alfred Russel Wallace, pionnier de la théorie de l’évolution, de convertir ses intuitions en vérités scientifiques. Le récit de cette quête enthousiaste et déraisonnable vient d’être publié par l’un de ses artisans, Jean-Marc Sor, un infirmier en bloc opératoire au CHU de Toulouse, qui rêvait du Croesus depuis son enfance commingeoise et de Wallace depuis son premier filet à papillons. (paru dans Boudu)
Croesus
Bien sûr, il fait chaud. Bien sûr, tout est moite. Pourtant, ce n’est pas une goutte de sueur que Jean-Marc Sor vient de sécher en loucedé sur sa joue, mais une larme de joie. On est en septembre 2013 en pleine jungle, sur l’île de Bacan, Indonésie, et il est planté là, pieds dans la boue, bras ballants, re%ex au poing, flanqué de deux locaux et de Gilbert et Christian, ses copains de l’asso Pyrénées Entomologie. Il vient de photographier le Croesus dans son milieu naturel pour la première fois de l’Histoire. Et ce, un siècle et demi après sa découverte par Alfred Russel Wallace, l'un des pères de la théorie de l'évolution.
Un de ces exploits qui n'émeuvent pas spontanément le quidam, mais qui ravissent les naturalistes en général, et Francis Duran- thon, conservateur en chef du Muséum de Toulouse, en particulier : « Le Croesus de Wallace, c’est LE papillon. Celui qui a permis à Wallace et Darwin de valider la théorie de l’évolution. Au milieu du XIXe siècle, Wallace s’est rendu dans l’archipel indonésien des Moluques pour observer les papillons. C’est là qu’il a constaté que les papillons géants présentaient des couleurs différentes selon l’île dans laquelle ils évoluaient. Et c’est en observant le Croesus de l’île de Bacan qu’il a compris l’influence du milieu sur la couleur des papillons ».
Ce qui rend l'histoire si belle, c’est que le Croesus en question s’observe exclusivement sur Bacan, une île in- hospitalière, dans une zone assez restreinte et très difficile d’accès, autour de plantes et de lianes spécifiques, et à une époque de l’année bien particulière.
Et si les grands muséums du monde se sont toujours débrouillés pour ob- tenir des spécimens naturalisés, personne, avant notre trio de Pyrénéens, n’était parvenu à !xer l'image de ce grand papillon dans son milieu naturel. Le dernier à se casser les dents sur le Croesus fut le pape japonais du papillon, Hirotaka Matsuka, auteur de Natural History of Birdwing Butterflies, fruit de vingt années de labeur, de voyages et d'explorations. Dans cet ouvrage, plus de 1000 photos de papillons et un seul absent : le Croesus de Wallace… Lire la suite